La Belle Époque de Monsieur Eugène

1904

#40 le rocher de la Vierge

18.5.21

1900 (circa)

#39 Événement exceptionnel place du Châtelet

10.3.21

Événement place du Châtelet (circa 1900)

La photo est un peu abimée mais nous ne résistons pas à la tentation de la publier. Que se passe-t-il donc ? Que font tous ces gens amassés ainsi, grimpés sur les arbres, juchés sur les toits des kiosques, les balcons, ... Quel événement peut ainsi réunir ouvriers en casquettes et bourgeois en chapeaux melon ?

Premier indice : on reconnait la colonne avec son gros socle, ses anneaux et les sculptures de femmes allégoriques. C'est la Fontaine du Palmier, avec ses quatre sphinx égyptiens, replacée au centre de la place en 1858 lors de son agrandissement. La colonne commémore les victoires de Napoléon 1er et est surmontée d'une victoire en bronze dorée. Nul doute : nous sommes place du Châtelet à Paris.

Deuxième indice : le bâtiment en arrière plan. Il s'agit soit du théâtre du Châtelet soit du théâtre de la Ville car les deux bâtiments ont été construit quasiment à l'identique (mêmes toits, mêmes fenêtres en hublot, ...). Le petit balcon sur lequel se masse la foule nous indique qu'il s'agit du Théâtre du Châtelet car celui de la Ville en est dépourvu. Nous trouvons ainsi le sens de la photo.

Troisième indice : les arbres sont nus, les gens bien emmitouflés. Nous sommes en hiver. Le soleil réchauffe les visages, sans doute est-il assez tôt dans l'après-midi.

Quatrième indice : le petit toit sur lequel sont juchés les petits curieux. L'étude de cartes postales d'époque nous confirme qu'il s'agit d'un petit kiosque mais qui semble avoir été là pendant toute la période de la Belle Époque ... dommage ... cela aurait pu nous donner une indication précieuse sur la date de l'événement.

Cinquième indice : la position des gens. Les regards se tendent tous du côté de la Seine, légèrement vers la droite. Vers la Conciergerie donc ... Monsieur Eugène semble perdu dans la foule, plus amusé à observer les spectateurs, ou peut-être est-il tout simplement mal placé pour jouir pleinement de la scène.

Installons-nous à côté de lui et attendons de voir ce qui se passe de si extraordinaire en cette belle journée d'hiver à la Conciergerie au début du siècle ... Patience, dans un instant le spectacle va commencer ...

NB : bien entendu si quelqu'un parmi nos aimables lecteurs avait une idée ou une suggestion, nous sommes preneurs ! car nous séchons ... nos recherches sont restées vaines.

1907 (circa)

#38 Sur les traces de Victor Hugo

4.2.21

Notre globe trotter nous amène en promenade dans les îles anglo-normandes. En 1215, ce groupe d'îles situé à l'ouest du Cotentin resta soumis à la Couronne britannique plutôt qu'à la française, suite à un "oubli" dans le traité que Philippe-Auguste, roi de France, imposa à Jean sans Terre, roi d'Angleterre, lors de la reconquête de la Normandie. Victor Hugo, exilé sur les îles de Jersey puis Guernesey jusqu'en 1870 les décrivaient ainsi : «les îles de la Manche sont des morceaux de France tombés à la mer et ramassés par l'Angleterre".

Il nous a été facile de retrouver ce lieu. Il nous a suffit de taper "Hôtel Elfine" dans notre moteur de recherche car l'hôtel existait toujours sous ce nom jusqu'à encore récemment. Le vieil hôtel, renommé "Feast" depuis, était tenu par un marin français et portait le nom d'un bateau. Nous sommes donc ici dans la partie orientale de l'île de Jersey, à Gorey Pier, le plus vieux port de l'île qui fut autrefois un grand centre de pêche à l'huître. Ce charmant petit port est adossé au Château de Mont-Orgueil bâti au XIIIe siècle pour défendre l'île contre les "méchants" français. Il servit aussi longtemps de prison et de lieu de garnison et fut réquisitionné par les allemands lors de la seconde guerre mondiale. Ces derniers y ont d'ailleurs ajouté les fortifications et le crénelage.

Il y avait une petite voie de chemin de fer qui reliait Saint-Hélier, port d'arrivée sur l'île, à Gorey Pier en 24 minutes mais la ligne a fermé en 1929. Contrairement à Victor Hugo qui aimait venir se promener ici à pied depuis sa résidence de Marine Terrace située à St Clement, c'est certainement ce train qu'a pris Monsieur Eugène. Et peut-être d'ailleurs n'est-ce pas un hasard si le photographe se trouve en ce lieu. Ce n'est pas la première fois que son chemin croise celui d'Hugo (cf les photos #3 et #23), peut-être lui vouait-il une véritable admiration au point de suivre ses traces ?

Son périple date probablement d'après 1907, date à laquelle la garnison quitta le château qui devint alors un lieu touristique à part entière. Et Tandis que Monsieur Eugène amorce sa montée vers le château, trois pêcheurs du cru descendent vers les bateaux tout en bavardant ... clic clac ... le souvenir est dans la boîte !

1928

Les secrets du grenier #01

30.12.20

Les secrets du grenier, disque 78 tours Felix the cat Lud Gluskin

Rebondissement de taille ! Nos voisins du 4e étage ont décidé de récupérer les combles de l'immeuble pour agrandir leurs appartements. Il a donc fallu vider le grenier qui était encore plein de vieilleries appartenant à Monsieur Eugène. Résultat des courses : nous avons pu récupérer de nouvelles plaques de verre inédites ! ainsi que des objets épars ... Tout cela nous donne de la matière pour de nouvelles découvertes et de belles histoires à raconter.

Pour inaugurer cette nouvelle rubrique, nous avons choisi un objet qui pourrait nous permettre d'appréhender les goûts musicaux de Monsieur Eugène : il s'agit d'une galette noire assez épaisse de 20 cm de diamètre. 20 cm ce n'est pas un diamètre habituel, ce n'est ni un 45 tours ni un 33 tours qui nous sont encore familiers. Le disque s'apparente plus à un 78 tours ou disque pour phonographes, ces drôle de machines d'un autre siècle avec manivelle et haut parleur géant en forme de trompette. Les 78 tours ont régné sur l'industrie musicale jusqu'en 1948, date où Columbia invente le disque microsillon en vinyle. Ces derniers seront eux mêmes remplacés par les disques compacts dans les années 80.

La pochette du disque ne nous renseigne guère : une vulgaire pochette marron en papier avec le terme OMNIA écrit en gros dessus ainsi que l'indication dans un encadré "puissante audition de longue durée". Intéressons-nous alors au disque lui-même. Le petit rond central sur fond rouge porte un timbre Pathé avec la mention EDIFO qui se réfère aux droits d'auteur. Enfin, on arrive à lire (péniblement) la date de galvanoplastie (fabrication du flanc de pressage) gravée à la main sur le disque lui-même : 24 novembre 1928.

Quant au contenu, il s'agit sur une face de "Mi patria" de José Senti par l'orchestre de José M Lucchesi, un paso doble de 1927. Très proche des argentins, José Senti est l'un des pionniers du tango en France au début du XXe.

Sur l'autre face : "Felix the Cat" par "Lud Gluskin et son jazz". Felix, ce célèbre personnage de dessin animé né en 1919 aux USA. Lud Gluskin est un jazzman américain qui a tourné en France et en Europe de 1927 à 1933. Grâce à la magie d'Internet, nous avons pu trouver un enregistrement de ce disque sur phonographe. Installons-nous alors confortablement et écoutons (ici) ... fermons les yeux et imaginons notre cher Monsieur Eugène, un peu vieilli en cette fin des années 30, dansant avec sa Suzon dans son salon où crachote un vieux phonographe Pathé-Marconi...

1900 (circa)

#37 Hommage à H.B. de Saussure

24.11.20

1901 : le train arrive à Chamonix, en Haute-Savoie. La ville devient alors l'une des premières stations de ski françaises. Dès 1906-1907, les touristes affluent. On y vient surtout pour cheminer sur la Mer de Glace, dont la physionomie était bien différente à l'époque. Entre 1905 et 2005, elle aurait en effet perdu 120 mètres d'épaisseur en raison du réchauffement climatique !

Le Grand Hôtel d'Angleterre, qui trône à l'arrière-plan de la photo, construit vers 1800, est l'un des premiers hôtels de la ville. Il périclitera après la seconde guerre mondiale comme beaucoup d'autres établissements qui avaient poussé comme des champignons dans la vallée pour accueillir ces parisiens et étrangers toujours plus avides d'aventures. En 1965, l'hôtel a été transformé en appartements sous le nom de Résidence Victoria.

La statue que l'on voit représente le savant Horace Benedict de Saussure qui atteint le sommet du Mont Blanc en 1787, accompagné de son guide Jacques Balmat. Elle a été inaugurée lors du centenaire de l'événement. C'est grâce à elle qu'on a pu déterminer le lieu de prise de vue de cette photo... et puis en grossissant l'image on distingue "Chamonix reconnaissant" sous le nom du héros. Trop facile !

Horace et Jacques semblent laisser ces deux promeneurs bien perplexes. Et on peut les comprendre ! Pourquoi diable mettre ce Horace à l'honneur alors que le sommet a été atteint un an plus tôt par le Docteur Paccard et ce même Jacques Balmat ? Et bien très certainement parce que ce Monsieur de Saussure a beaucoup fait pour la renommée de la région et le tourisme. "Business is business" déjà à l'époque, encore et toujours... Mais qu'on se rassure, le bon docteur a également sa statue, un peu plus loin dans la ville.

L'absence de neige laisse penser que le périple de Monsieur Eugène en Savoie a eu lieu plutôt aux beaux jours. Selon l'Association des Amis du Vieux Chamonix* que nous remercions au passage, la photo daterait de 1897-1900. C'est tout à fait plausible. La publicité du chocolat Kohler que nous apercevons sur la droite, créée par l'affichiste George Blott, très connu en cette fin du XIXe siècle, date de 1898 (l'affiche en couleurs par ici). Rachetée par Nestlé dans les années 30, la marque Kohler n'existe plus aujourd'hui qu'aux Antilles. Alors rendons hommage à son créateur, Charles-Amédée Kohler, qui n'inventa rien de moins que le chocolat aux noisettes, en 1830 !

Cette photo est sans doute à rapprocher de certaines autres prises dans les montagnes mais aucun indice à ce stade ne nous permet encore de l'affirmer...

* https://amis-vieux-chamonix.org/

Monsieur Eugène passe à la télé

11.11.20

architecture

#36 Le Mont Saint-Michel

24.10.20

Photographes devant le Mont Saint-Michel

Pour trouver le lieu de prise de vue de cette belle photo, avouons que ce fut assez facile ...

Pour les personnages, pas très visibles, c'est plus hasardeux. On peut quand même avancer sans trop de risques d'erreurs que la personne au sol, reconnaissable à sa barbichette en pointe, est Charles, le frère aîné de Monsieur Eugène ; celle debout avec le canotier pourrait être son père et le grand personnage en costume local serait leur guide. Sa blaude (blouse) est typique de la Normandie de l'époque, en particulier dans la Manche. Quant au photographe... le mystère demeure. L'appareil photo sur pied requiert toute l'attention du petit groupe. A l'époque on prenait peu de photos, il fallait alors que ce soit la bonne du premier coup. Surtout pour une telle merveille ! Notre Monsieur Eugène semble s'amuser de la scène et l'immortalise ...

De tous temps, le Mont Saint-Michel a attiré les foules : les pèlerins d'abord pour l'Abbaye, les familles de prisonniers ensuite à la Révolution, après la transformation de l'Abbaye en prison, puis les Romantiques se sont amourachés du lieu contribuant à sa renommée... Le développement du tourisme balnéaire au XIXe s., la construction de la digue-route (détruite depuis) en 1879 et l'arrivée du train en 1901 ont fait le reste. On compte déjà 30 000 touristes en 1885 et 100 000 vers 1910. On est encore loin des 3 millions actuels ! D'ailleurs le petit groupe semble perdu dans l'immensité du site, on ne voit personne à l'horizon ou presque. On rêverait de faire la visite dans de telles conditions.

On a tenté de trouver des photos avec le même angle de vue pour comparer avec le mont actuel et ça n'a pas été facile car rares sont ceux qui photographient le monument de ce côté-ci. On note peu de changements. Quelques maisons ont disparu, dont la grande blanche qui se détache (une des nombreuses dépendances de l'hôtel Poulard). On s'est échiné à essayer de dater la photo en s'aidant des échafaudages dans le fond mais en vain, car ils y sont restés trop longtemps... La présence du wagon indique tout de même que la photo est postérieure à 1901.

Après ce petit tour, gageons que nos amis sont allés se faire servir une bonne omelette chez la Mère Poulard, la célèbre auberge ouverte en 1888. Une visite incontournable pour les parisiens de la Belle Époque. Et c'était Annette Poulard en personne qui officiait à cette période et régalait les marcheurs fourbus. Et comme elle prenait très peu de personnel, on était à peu près sûr de tomber sur elle.